Petite connasse qui montre rien en surface.

Publié le par Luscyhl

 

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Elle, c’est Emma. Ce n’est pas son véritable prénom, seulement un pseudonyme. Mais elle ne veut plus être appelée autrement. Non pas qu’elle l’affectionne, elle le trouve même dépourvu de sensualité, mais c’est à « visée thérapeutique ». Accepter sa nouvelle identité c’est supporter la réalité. Ce quotidien dont elle s’accommode au fur et à mesure du temps mais qui paradoxalement devient de plus en plus insupportable. Elle n’aime pas se qualifier de résignée. Elle est bien trop présomptueuse pour cela. Le temps ça pourrit tout me dit-elle avec un sourire forcé en se passant la main dans les cheveux. Elle allume une cigarette entre ses lèvres finement dessinées puis me tend son paquet en faisant un signe de la main pour chasser la fumée. Malgré l’odeur de tabac, on devine celle de son parfum. Délicat et déconcertant. Comme toi. Ne m'en veux pas si je te tutoie, je dis tu à tous ceux que j'aime, même si je ne les ai vus qu'une seule fois, disait Prévert.

Tu me parles de ta passion pour la danse, mais pas celle que tu pratiques, d’autres. De la pression croissante de ton boulot. Et de la famille que tu aimerais fonder... puis, tu te tais. Tu me récites une leçon stéréotypée dont tu as parfaitement conscience. Une série de préoccupations qui sonne tellement faux. Et au fond auquel tu n'as jamais cru. Mon regard suspicieux me fait défaut, tu souris à nouveau. Tu écrases ta cigarette, détournes ton regard du mien puis tu me confies à demi-mot, la tête posée sur un oreiller, que tu n’auras jamais trente-cinq ans . Tu n'as rien ajouté. Qu'est ce qu'on peut bien dire après ça. Ton pouce et ton index viennent recouvrir tes yeux pour que je ne vois pas tes larmes couler. Te convaincre en prenant des décisions intransigeantes, alors c’est ainsi que tu te maintiens en vie. Fuir le bonheur de peur qu'il ne se sauve. Tu n’as plus à te torturer puisque tout est déjà défini. Quoique tu fasses, quoi qu’il se passe. Les dés sont jetés.  Je ne te demanderai pas ce qui a bien pu t’amener jusque la. Toi-même tu ne le sais sûrement pas. Et à quoi bon s’attarder sur le comment quand le pourquoi est déjà indistinct. Tu claques tes mains sur tes genoux puis tu te mets debout. Comme si rien de rien était. C’est l’heure. Il faut que tu ailles te préparer.

 

Tu as troqué ton dos nu, ton jean’s et tes Converse pour une mini-robe nude accompagnée par de hauts escarpins. A peine reconnaissable, tes cheveux sont bouclés et attachés, tes yeux couleur carbone et ta bouche rouge pulpeuse. Toute la nuit, tu vas danser avec trois autres filles. Aux alentours de deux heures, le gérant viendra vous annoncer le nombre de clients respectifs à rencontrer « en privé ». Ce soir c’est toi qui auras le plus de demandes ; ils te suivront en contre-partie d’une poignée de billets ; verge à la main, arrosée de son sperme, de ces sexes autochtones, tu t’exécuteras. Du plaisir à outrance, des haut-le-cœur jouissifs, des va-et-vient paralysants, des respirations travesties, de la chair à poison.

 

Dix cigarettes, cinq capotes, trois vodkas, deux douches et un café plus tard, nous nous retrouvons. Une nuit de plus, et une en moins, à faire semblant. Sans artifice, ton charme, ta sensibilité et ta fragilité renaissent après une nuit endeuillée. Ambrosia Parsely chante Goodnight Moon. Et tu songes, les larmes aux yeux et les soupirs à la bouche. Impuissante - un comble dans cet univers charnel - il est temps pour moi de te laisser. C'est vrai, la prostitution n'a rien d'affriolante mais c'est en se dotant d'un minimum de complexité que la subtilité de ses protagonistes devient évidente puis fascinante.

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L
<br /> <br /> excellent , je sais pas ou tu trouves tous ça mais tu as un don que je convoite ;)<br /> <br /> <br /> <br />
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L
<br /> <br /> Merci qui ? Merci Monsieur.<br /> <br /> <br /> <br />