Requiem pour un indésirable

"On se voit à la biblio cet après-midi ?", cela doit faire environ dix ans que l'on ne m'avait pas dit cette phrase. La vie est décidément un éternel recommencement. Terminés les Tom-Tom & Nana et les Bibliothèques roses et vertes. Je m'attaque désormais à l'anthropologie. (Oui c'est assez pompeux je vous l'accorde.) (Là est tout l'intérêt d'ailleurs.) Réfléchir à tous ces gens qui gravitent autour de nous, c'est presque à en gerber de l'inhumanité. C'est intéressant. Et puis ça permet de pas trop se casser le cul à réfléchir sur son cas personnel. Des fois qu'on se découvrirait une tendance douteuse. Ne réveillons pas nos vieux démons. Laissons la magie de la vie opérée. Elle fait si bien les choses.

J'entends par anthropologie, ethnologie / philosophie / sociologie comprises. On n'est plus à une généralité près. Lévi-Strauss , Sartre et Bourdieu ne m'en voudront pas. Pas vrai les ga....? Depuis que Pierre est parti, je n'arrive pas à réaliser...

La bibliothèque n'a pas changé d'un pouce en tout cas. Mais je peux pas en dire autant des bibliothécaires. Non non, se sont toujours les mêmes personnes aussi, j'veux juste dire par là que... toutes ces années ne les ont pas épargné.

Les  mêmes étagères, le même classement ; Melvil (Dewey de son nom de scène) jubile. Le même livre d'or, constitué à partir des verso des loupés d'impressions. Les mêmes affiches "Prière de remettre les chaises à leur place." "Ne pas déranger les magzines." "Emprunt : 5 romans et 2 revues" Juste pour le plaisir des yeux, j'ai murmuré pour ne pas perturber la chaleureuse ambiance funèbre : "On peut emprunter jusqu'à combien de livres ?". Réponse quasi inaudible : "C'est marqué sur les affiches !" Ah oui, je n'y avais pas prêté attention... J'ai comme un relent du "On touche avec les yeux les enfants !". Et pourquoi pas le "Tiens, j'ai attrapé ton nez !" et le coup du "Prenez un bonbon les enfants et baissez votre...", non oubliez ce dernier exemple tout compte fait.

Alors moi, j'ai décidé de sortir le dictionnaire de l'ethnologie et de l'anthropologie et puis un livre des Séries Morales. Ça va leur faire du bien de s'aérer l'esprit. C'est le comble pour un livre anthropologique de se retrouver dans aucune main d'un quelconque individu. Alors sortons des chemins battus un peu.

En faites, l'anthropologie c'est bien juste le temps de marcher dans les couloirs de la bibliothèque (livres sous le bras) jusqu'au guichet d'emprunt. Il y a toujours un quidam pour jeter un coup d'oeil faussement furtif sur vos bouquins. (Tout comme à la caisse des supermarchés, le jour où vous faites le stock de vos tampons et de vos protège-slips.) Géné de s'être fait surprendre en plein vol, il vous offre son plus beau sourire niais accompagné d'un lever de talons, d'une mou de la bouche et un haussement de sourcils.

Une fois arrivé chez vous, vous savez plus tellement quoi en foutre de ces livres. Essayez en cale fenêtre, il y a suffisament de contenu  pour maintenir aisément votre oriel rebelle.

Ainsi soit-il.